Contrat de Régulation Economique d’ADP : une communication financière dans l’urgence au mépris des compagnies aériennes Le SCARA dénonce une manipulation grossière

4 Avr

Dans le cadre de la préparation de son Contrat de Régulation Economique 2021-2025 (CRE4) avec l’Etat, et alors que l’ensemble des compagnies aériennes ne cessent de demander l’instauration d’un véritable dialogue avec ADP pour une meilleure prise en compte de leurs besoins, ADP passe en force en publiant en urgence le 2 avril le Dossier Public de Consultation (DPC) détaillant ses propositions, point de départ d’un débat de façade limité à trente jours de consultation.

Le SCARA, qui représente 40% des compagnies aériennes françaises, s’interroge sur une telle précipitation que rien ne justifie, d’autant que toute information qualifiée de privilégiée au regard des marchés financiers pouvait être aisément communiquée aux membres des Commissions Consultatives Economiques d’ADP tenus par une obligation de confidentialité, laissant ainsi un temps suffisant pour la concertation, ce que les délais réglementaires pour l’élaboration d’un CRE à partir de la publication du DPC , ne permettront pas.

Une concertation qu’ADP semble refuser par tous les moyens, y compris par une information incomplète accompagnée d’une communication qui tente de donner une lecture erronée de la réalité des augmentations de tarifs imposées aux compagnies aériennes.

Une absence de dialogue avec les compagnies aériennes

Le ton de la communication d’ADP est rapidement donné lorsque le DPC prétend que les échanges avec les compagnies aériennes ont été «importants», «ont permis de recenser les besoins des usagers», «ont porté sur l’ensemble des problématiques» ; alors qu’il n’en est rien, de l’avis général des compagnies aériennes qui l’ont fait savoir par de nombreux courriers adressés tant à ADP qu’aux Ministères concernés, en demandant notamment l’organisation de groupes de travail par thèmes (investissements, financement, redevances, etc.) permettant des échanges approfondis.

Il est intéressant à ce sujet de rappeler que l’Autorité de Surveillance Indépendante (ASI), dans son refus d’homologation des tarifs d’ADP au mois de janvier dernier, avait elle aussi relevé l’absence d’un véritable dialogue entre ADP et ses clients compagnies aériennes.

Il en résulte que le DPC présenté se fonde sur des hypothèses non validées, qui conduisent de surcroît à de nouvelles augmentations tarifaires, tout aussi injustifiées, si ce n’est pour venir encore grossir les profits d’ADP déjà particulièrement élevés et en croissance permanent de près de 30% chaque année.

Rappelons à ce titre qu’avec un Chiffre d’Affaires d’environ 3 000 M €, dont  1 320 M€ de redevances aéronautiques, ADP enregistre un très gros EBITDA de près de 1 300 M€ (soit 43% du chiffre d’affaires) et un résultat net de 542 M€ (soit 18% du chiffre d’affaires).

La logique purement financière de la privatisation supplanterait-elle toute logique industrielle ?

Toujours dans son DPC, ADP estime la hausse du trafic aérien à 2,6% par an sur la période 2021-2025, sans apporter aucune précision quant au mode de calcul de cette prévision ni sans en avoir discuté avec les compagnies aériennes ; sans indiquer notamment l’impact potentiel à la baisse de la fréquentation des grands hubs internationaux par les avions de nouvelle génération mono-couloir à long rayon d’action. Il ne justifie pas plus son choix unilatéral d’affecter les marges inattendues du CRE3, provenant d’un trafic aérien bien plus important que prévu, au financement d’une partie des investissements du CRE4, plutôt que de restituer ces mêmes marges aux compagnies aériennes sur la fin du CRE3. Quant à son évaluation du Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC), variable fondamentale et extrêmement sensible dans le calcul des tarifs à venir, ADP se contente de préciser qu’elle est fondée sur des « données objectives de marché » conduisant à un retenir un taux de 5,6%, tandis que d’autres données toutes aussi objectives conduisent à des taux plus proche de 4,5%.(A titre de comparaison : pour l’aéroport de Nice, l’ASI a estimé que le CMPC du périmètre régulé est compris entre 3,1% et 4,5%. )

De nouvelles augmentations de tarifs pour des profits toujours plus importants
Concernant les tarifs à venir sur la durée du CRE4, ADP qualifie de «modération tarifaire réelle» sa proposition d’une évolution de +1,35% en plus de l’inflation, alors qu’après des années de hausses extravagantes au regard de l’inflation et des tarifs passagers, les compagnies aériennes s’attendaient légitimement à des baisses de tarifs importantes.

Rappelons qu’entre 2006, date de l’ouverture du capital d’ADP aux capitaux privés, et 2018, les tarifs des redevances aéroportuaires d’ADP ont augmenté de 42% alors que pendant le même temps l’inflation était  de 15% et le prix des billets d’avion baissait de 20%.

Quel est l’objectif de cette grossière manipulation ?
En publiant de manière précipitée son Document Public de Consultation, ADP coupe court à une concertation sereine avec ses clients, compagnies aériennes. Avec un but précis : mettre en place le plus rapidement possible un Contrat de Régulation Economique avec l’Etat qui garantira à ses investisseurs dans le cadre de sa toute prochaine privatisation une rentabilité invulnérable. Avec, pour asseoir cette garantie, une loi Pacte votée par la Représentation Nationale rendant la gouvernance des CRE encore plus difficile dans l’avenir pour les compagnies aériennes.

 

 

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